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La culture de l’innovation du Québec économique | Réseau CCTT

Shape 5 novembre 2019

Par Alain Lallier

Consultez l'article original sur le Portail du réseau collégial

Entretien avec monsieur Marc-André Saint-Yves, Directeur développement et innovation, Réseau des centres collégiaux de transfert, Synchronex

L’innovation est-elle en train de devenir le Saint Graal du développement des organisations ? Autant l’entrepreneuriat a été un paradigme dominant au cours de la dernière décennie, l’innovation pourrait-elle devenir un leitmotiv puissant dans le contexte socio-économique actuel ? Quelle place les collèges peuvent-ils occuper dans cette mouvance ? Nous en discutons avec Marc-André Saint-Yves, directeur, développement et innovation au Réseau des centres collégiaux de transfert.

Pour Marc-André Saint-Yves, l’innovation devient aujourd’hui le Saint Graal du développement, parce que nous la mettons au centre de tout développement socio-économique.

« C’est le cas, entre autres, dans les initiatives mises en place par les gouvernements, soit de mettre l’innovation au cœur du développement économique, assurant ainsi une vigueur économique pour les années à venir » explique-t-il.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) définit l’Innovation comme étant la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures1.

Il ajoute : « Il faut comprendre ce qu’est l’innovation. C’est un changement de modèle d’affaires, de processus, de procédés, de produits. C’est modifier nos pratiques anciennes par de nouvelles pour être capable d’amener une solution novatrice, plus performante. C’est n’est pas seulement une bonne idée. C’est une bonne idée adoptée par le milieu de pratique. On amène alors de la performance, on amène une nouvelle façon de produire. On parle alors de création de valeurs, de hausse de la performance et de la compétitivité des entreprises. Ces nouvelles façons de faire créent de la valeur économique pour les entreprises. Valeur pour les entreprises qui se traduit par une plus-value sociale et économique pour le pays (référence : Joseph Schumpeter, 1950). C’est de cette façon que l’on place au cœur du développement économique l’innovation. Nous voulons que nos entreprises deviennent plus compétitives, pérennisent et développent des parts de marché, soient plus performantes, qu’elles dégagent des marges bénéficiaires et soient en mesure de réinvestir dans leurs entreprises et donc créer des capitaux qui resteront ici et renforceront la santé de nos entreprises et de la collectivité. »

Qu’en est-il au Québec ?

Malgré la croissance économique enregistrée au cours des huit dernières années, le Québec accuse un retard important en matière d’investissement en Innovation et en R/D. En effet, en 2006, les entreprises québécoises investissaient en moyenne 1,66 % du PIB en R/D. En 2016, ce même investissement avait chuté à 1,26 %, ce qui représente une baisse de 24 % en dix ans. Cette baisse dans les investissements, porte le Québec au 15e rang des pays de l’OCDE en regard des investissements en R/D .

Pour combler ce retard, le directeur développement et innovation du Réseau des centres collégiaux de transfert avance qu’il faut un changement de culture et de pratiques à l’intérieur des entreprises.

« Elles doivent adopter de nouvelles pratiques et une nouvelle culture en matière d’innovation et à plus forte raison une culture d’innovation ouverte et collaborative

Le projet gouvernemental de Zones d’innovation

Pour appuyer cette mouvance et positionner le Québec comme un terreau fertile à l’innovation, le présent gouvernement, conscient de ces enjeux, est à mettre en place un important chantier, en matière d’innovation. Ce projet de Zones d’Innovation vise à renforcer l’écosystème de la recherche et de l’Innovation au Québec en favorisant, d’une part, les investissements en Innovation des entreprises québécoises, et, d’autre part, la valorisation des résultats de recherche, par les entreprises, en regroupant, au sein de ces écosystèmes régionaux d’innovation, l’ensemble des acteurs régionaux [académiques, institutions de recherche, intermédiaires, entreprises et organismes de développement] pour qu’ils puissent, ensemble, effectuer de l’innovation collaborative.

«Il faut voir ces zones comme des districts délimités géographiquement dans lesquels se retrouveront plusieurs acteurs de l’écosystème en matière d’innovation : des institutions académiques tels des universités et des collèges, des centres collégiaux de transfert, des centres de recherche publics, des incubateurs, des accélérateurs, les différents services de développement économique, des organismes gouvernementaux, des organismes de financement, des investisseurs, des intermédiaires et bien entendu des entreprises de toute taille. Ces zones favoriseront ainsi la proximité entre les acteurs. Plus je favorise la proximité, plus je favorise le rapprochement et s’installe donc une meilleure collaboration entre ces acteurs de l’innovation. Ce faisant, tous nous faisons le pari que ces gens se parleront, que l’idée passera plus rapidement du laboratoire vers la valorisation dans l’entreprise. Ces zones favoriseront ainsi l’émergence de projets d’innovation et donc les investissements en innovation. En plus de ces investissements, ces zones, comme elles sont situées en zone urbaine, celles-ci auront le potentiel d’engendrer une vitalité socio-économique des quartiers périphériques de ces districts. C’est exactement la philosophie derrière la création de ces districts, qui est « work, live and play ». Dans ces endroits, on peut y vivre, y travailler et s’amuser. Cette approche pourra donc favoriser la rétention et l’attraction des talents et du capital humain venant vivre à l’intérieur de ces zones. On peut y trouver des commerces, des cafés, des bars, des restaurants et des espaces de logement (condos, maisons, appartements). En plus de stimuler l’innovation, la zone d’innovation favorise une vitalité et un développement urbain intelligent plutôt que de faire naître des traditionnels parcs industriels en périphérie d’une ville. »

À l’image des Fraunhofer, en Allemagne; du prestigieux Technion, à Tel Aviv; du Seaport Innovation District de Boston, Innovation District of Chattanooga, du Wichita State University Innovation Campus ou encore du Halifax Innovation District, ce projet de Zones d’innovation fait le pari que la concentration de ces acteurs en un lieu commun contribuera à faire émerger les innovations. Ainsi, partant de ces exemples d’écosystème d’innovation, l’innovation devient en bonne partie, mais pas exclusivement, tributaire d’échanges [interdépendance], de proximité entre les organisations du réseau visant à solutionner rapidement des obstacles ou des impasses ponctuelles [adaptation].

Innovation district of Chattanooga

Elle devient par le fait même, facilité par le partage de valeurs et d’une culture régionale [territorialité] commune essentielle au transfert de connaissances tacites entre ses acteurs (TRÉPANIER ET AL. 2012., BATHELT ET AL. 2004, BOSCHMA 2005). Ces notions d’échange, de proximité, d’adaptation, de territorialité et de réseau sont des éléments qui sont intégrés au concept d’écosystème régional d’innovation et qui nourriront cette transition culturelle vers la naissance d’une culture innovante, durable et collaborative au sein des entreprises régionales (AUTIO E. ET AL. 2014, 205-206).

Seaport Square Innovation District, Boston

Certes, la présence de tous les acteurs régionaux impliqués dans l’innovation représente une première condition, mais la nécessité de mettre en place une culture collaborative entre ces acteurs représente un enjeu de réussite important.

La culture de l’innovation doit d’abord être enseignée dans nos collèges et dans nos universités

Pour Marc-André Saint-Yves, développer une culture de l’innovation, ça commence tôt. Il est bien entendu possible de développer cette culture en entreprise en implantant de nouvelles pratiques qui permettent de mieux collaborer et donc de développer un savoir-faire et un savoir-être avec les gestionnaires.

Selon lui : « La culture de l’innovation doit d’abord être enseignée dans nos collèges et dans nos universités, affirme-t-il. Par exemple, en favorisant une immersion des étudiants au sein même de projets de recherche et d’innovation effectués au sein de l’institution et/ou au sein des centres collégiaux de transfert. C’est là où les Centres collégiaux de transfert peuvent jouer un rôle important. Quand on prend des stagiaires dans un centre collégial et que nous les faisons travailler sur un projet de recherche pour une entreprise, nous les sensibilisons à la manière de mener un projet de recherche, comment comprendre les besoins et développer l’innovation par la suite. En faisant cela, nous permettons à l’étudiant tout d’abord de développer un intérêt envers la recherche, mais aussi d’acquérir un savoir-faire et un savoir-être qui va au-delà de son cursus académique. Cette intégration au projet de recherche lui permet donc d’acquérir des connaissances tacites qu’il pourra, par la suite, mettre à contribution une fois en entreprise. En ce sens, je pense que les cégeps, les centres collégiaux de transfert et les universités ont un rôle important à jouer sur le plan de sensibilisation, de l’initiation et de la qualification de la main d’œuvre en matière d’innovation. »

Des programmes de soutien

Ainsi, pour faciliter ce transfert de connaissances tacites, plusieurs programmes sont disponibles pour appuyer ce type d’initiative. Par exemple, l’organisme MITACS octroie des bourses à des étudiants, tant universitaires que collégiaux, qui prennent part à un projet de recherche en milieu de pratique. MITACS offre une bourse de 15 000 $ par bloc de 4 mois à temps plein ou de 6 mois à temps partiel. Cette bourse, qui est versée à l’étudiant, implique une participation financière de 7 500 $ de la part du partenaire (entreprises, organismes, CCT

Autres exemples d’initiatives qui permettent le transfert des connaissances tacites et le développement des compétences (savoir-faire, savoir-être), le modèle TRIAL du Ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur du Québec (MEES). Ce modèle d’immersion, de la clientèle étudiante à la réalité et aux défis que rencontrent les entreprises, vise à initier et préparer la main-d’œuvre de demain au monde de la recherche et de l’innovation. Cette mesure vise ultimement à augmenter les retombées des activités des centres collégiaux de transfert sur la formation des étudiants au collégial et favoriser ainsi, le développement du savoir-faire et du savoir-être.

Conclusion

En regard de ces considérations, il apparaît incontestable de reconnaître que le succès de projets d’innovation émergeant de ces écosystèmes, reposent certes, sur la présence de l’ensemble des acteurs de cet écosystème, mais repose plus spécifiquement, sur les capacités de ces acteurs à collaborer entre eux et à soutenir, de manière durable, ce même écosystème. Ce soutien se concentre, en bonne partie, sur le développement de compétences visant à reconnaître les opportunités d’innover et à gérer les projets d’innovation en mode collaboratif.

Par conséquent, implanter rapidement des pratiques permettant l’accompagnement et le développement d’une culture innovante et collaborative aurait un impact majeur sur la capacité des entreprises à entreprendre et à valoriser leurs innovations. Il est donc du ressort des institutions académiques et des centres collégiaux de transfert d’assigner cet enjeu de développement des compétences et de la culture, et ce, de manière intégrée, pour ainsi être en adéquation avec les besoins du milieu socio-économique.

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